460,00 $ – 2 700,00 $
Technique mixte : photographies nocturnes, interventions numériques, impression jet d’encre sur canevas, peinture aérosol et vernis. L’édition originale est limitée à 25 exemplaires (tous formats confondus) et chacune des oeuvres de la série est légèrement différente des autres. Pour plus de détails: [email protected].
Photographies prises par Pascal Normand en 2022 à Montréal, Qc.
Sortant d’un coin sombre, l’homme baraqué se dirigeait vers moi, l’air acrimonieux, les poings durs et le regard creux…
Il était un mois d’août de 2022, comme à l’habitude, une nuit. Une autre sortie solo pour moi, mon désir le veut ainsi. Sur le chemin d’une errance calculée, j’ai fait un détour par une zone de transition où j’avais maintes fois circulé. Je ne savais pas très bien pourquoi, c’était après tout un détour et rien en liste ne justifiait que je m’y arrête. Parfois, c’est comme ça, on y va et on verra.
Je me suis stationné en zone interdite, encore. Une rue Mill assaillie de cônes orange m’accueillait, bouche cousue, paisible sous la lune pleine qui m’accompagnait. Amputée temporairement de l’un de ses deux sens qui n’avait rien d’unique, elle n’avait rien d’hostile à mes yeux, bien au contraire : la zone de construction qui s’imposait jusqu’en son cœur m’offrait après tout une liberté d’agir, un bouclier contre les possibles chauffards de la nuit.
Silence noctambule… Battements de la ferraille… La table est mise et le sujet est mûr.
Surplombée par l’élévateur à grain #5, la cour abandonnée de la Clipper Ship Supply donne le ton. Je m’installe en pleine voie carrossable, confiant de l’opportunité qui me permet de maximiser l’angle souhaité. Les secondes défilent, accompagnant mes expositions longues sur trépied.
Un bruit… Un craquement. Quelqu’un s’invite depuis le buisson derrière moi. Ça va, je ne peux pas m’attendre à toujours être seul. Y’a 8 milliards d’humains sur terre et combien de cœurs solitaires… Pourquoi nous deux, pourquoi nous et pas eux? Question de feeling.
Un imposant monsieur, tout aussi vacillant qu’inquiétant, déambule tel un ours au cœur de sa forêt. Au premier coup d’œil, il fait flipper le bonhomme! Je suis pourtant bien, je reste en place. Pas de raison de prendre ses jambes à son cou. Il est amoché, visiblement enivré. Malgré ses mains en poings, il ne semble pas vouloir de mal. J’en fais fi, constatant du coin de l’œil qu’il me contourne à distance raisonnable.
Avant de disparaître de l’autre côté de la rue, prenant une courte pause, il me dit mollement avec sa voix un peu trop forte: « ÇA VA ÊTRE BEAU ÇA MONSIEUR! ».
C’est noté. Merci à vous, monsieur. Bonne nuit!
Telles des escapades intuitives où chaque cliché devient une étape distincte dans le processus créatif, les sorties nocturnes dédiées à la capture des sujets s’apparentent à une chambre noire à ciel ouvert. Dès lors, la nuit devient une scène riche en rencontres inspirantes, prête à révéler les nuances subtiles et délicates des ombres et de la lumière.
Avec ce travail terrain, la vision créative préméditée de l’artiste photographe passe à travers un œil incarné par ses lentilles. Conséquemment, chacun des clics devient un ingrédient artistique, témoin de l’émerveillement que seule la pénombre et sa discrétion peut offrir. C’est alors que les détails émergent avec une lenteur délibérée à travers les multiples longues expositions. Elles deviennent les strates d’où provient chaque œuvre en devenir et singulièrement, elles illustrent par une composition poétique de silhouettes qui valsent dans la lumière, une symphonie visuelle transcendant l’âme et l’imaginaire que propose l’ambiance de la nuit. Notamment, Pascal Normand artiste photographe, mais par dessus tout, Pascal Normand artiste visuel.